Par Loïc le Duc
Photo : Wiener Staatsballet / Dimo Dimov Olga Esina (Marie-Antoinette), Roman Lazik (Louis XVI) |
Programmation hautement symbolique à l'opéra royal de Versailles qui accueillait pour 3 représentations exceptionnelles le ballet de l'opéra de Vienne, nouvellement dirigé par Manuel Legris (danseur étoile de l'opéra de Paris), pour y présenter "Marie-Antoinette".
C'est en 1768 que Louis XV, en prévision des mariages successifs de ses petits-enfants, se décida à donner l'ordre de commencer les travaux de cet opéra royal, qui avait suscité près d'un siècle de recherches, d'études et de projets. Les travaux furent poussés activement et l'opéra, achevé en vingt-trois mois, fut inauguré le 16 mai 1770, jour du mariage du Dauphin avec l'archiduchesse autrichienne Marie-Antoinette. Fille de Marie-Thérèse, mariée à l'héritier du trône français, le futur Louis XVI, alors qu'elle est quasi une enfant, Marie-Antoinette est prise dans le flot des évènements politiques et c'est à elle que le peuple, dont elle ne comprend pas les besoins, demande des comptes. Elle devient victime des injustices commises par des générations de souverains et meurt sous la guillotine, après la condamnation à mort et l'exécution du Roi.
La chorégraphie de Patrick de Bana, en deux actes et huit tableaux, s'attache à retracer, de façon linéaire, le destin de cette "infortunée princesse".
Le chorégraphe ne cherche pas à tenir une chronique des évènements historiques. Introduits par le destin personnifié qui symbolise également le temps ainsi que par l'ombre de la protagoniste, des instantanés retracent les états d'âme de Marie-Antoinette. Le Destin et l'Ombre accompagnent les évènements en les prédisant et en les commettant. Et Patrick de Bana de réduire les personnages de son ballet à quelques figures proches de l'héroïne : l'impératrice Marie-Thérèse, Louis XV, le Dauphin devenu Louis XVI, sa belle-soeur, madame Elisabeth, son confident, le comte suédois Axel Von Fersen, et son allié, le comte de Mercy.
Photo : Wiener Staatsballet / Dimo Dimov
Olga Esina (Marie-Antoinette), Roman Lazik (Louis XVI)
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De Vienne à Versailles, les différents tableaux du premier acte nous rappellent la vie de la Cour avec ses fastes, ses légèretés, ses coquineries. La couleur bleue prédomine, à la fois dans les décors, minimalistes et sobres, et dans les costumes, légers et seyants, conçus par Agnès Letestu. Les musiques, empruntées à Telemann, Vivaldi, Mozart ou encore au Chevalier de Saint-Georges traduisent cet état de légèreté, d'insouciance. Quant aux compositions contemporaines de Luis Miguel Cobo, elles guident les pas des personnages irréels du Destin et de l'Ombre de Marie-Antoinette.
Les trois tableaux du deuxième acte intitulés respectivement "L'attaque de Versailles", la "Tentative de fuite" et "La prison" s'attachent à souligner la solitude de plus en plus grande de la souveraine. Les couleurs sont plus sombres. Mais ce sont essentiellement l'investissement et la présence scénique de Kiriil Kourlaev (le Destin, en longue veste rouge) et d'Alice Firenze (l'Ombre de Marie-Antoinette), et les accompagnements musicaux qui traduisent l'Histoire et le destin funeste de la reine. Car l'écriture de Patrick de Bana, certes précise et enlevée mais souvent chichiteuse, n'évolue pas au cours des différents tableaux. Elle reste ancrée dans un phrasé emprunté à Duato voire Preljocaj. Photogénique, elle reste froide, convenue et sans saveur. Et la danse d'Olga Esina (Marie-Antoinette) ne s'émancipe pas de cette écriture. Aussi, l'ex-danseuse du Mariinsky nous restitue une Marie-Antoinette peu convaincante et sans grande empathie.
Toutefois, la présence scénique et la qualité des danseurs du corps de ballet de l'opéra de Vienne préservent les spectateurs de l'ennui qui guette. Sous employés dans cette ouvrage, j'espère pouvoir les apprécier dans une chorégraphie plus convaincante, ou tout au moins à la hauteur de leurs talents. Venu saluer discrètement le public, Manuel Legris peut s'enorgueillir de sa compagnie et du travail qu'il a d'ores et déjà accompli.
MARIE ANTOINETTE
Ballet en deux actes de Patrick de Bana
Musiques : Georg Philipp Telemann, Antonio Vivaldi, Chevalier de Saint-Georges, Wolfgang Amadeus Mozart, Johann Christian Bach, Jean-Philippe Rameau, Jean-Féry Rebel and Luis Miguel Cobo
Décors : Marcelo Pacheco, Alberto Esteban / Area. Espacios Efímeros
Costumes: Agnès Letestu
Lumières : James Angot
Marie-Antoinette – Olga Esina
Louis XVI – Roman Lazik
Madame Elisabeth – Ketevan Papava
Le Destin – Kirill Kourlaev
L'Ombre de Marie-Antoinette – Alice Firenze
Marie-Thérèse – Dagmar Kronberger
Mercy – Fabrizio Coppo
Louis XV – Christoph Wenzel
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